13 juin 1956 à Paris, Parc des Princes Real de Madrid - Stade de Reims : 4 - 3 ( 2 - 2 )
38 239 spectateurs/Arbitre : M. Ellis (Angleterre). Buts : Leblond (6e), Templin (10e), Hidalgo (62e) pour Reims. Di Stefano (14e),
Rial (30e, 79e), Marquitos (67e) pour le Real Madrid. Real de Madrid : Alonso - Atienza, Marquitos, Lesmes - Munoz, Zarraga - Joseito, Marchal,
Di Stefano, Rial, Gento. Entr. : Villalonga. Stade de Reims : Jacquet - Zimny, Jonquet, Giraudo - Leblond, Siatka - Hidalgo, Glovacki,
Kopa, Bliard, Templin. Entr. : Batteux
Dans le passé : Andrade, Castro, Cea, Stabile, Pedernera, Peucelles...
Plus près de nous : Ademir, Jair, Boye, Loustau et Schiaffino...
L' Amérique du Sud - et plus particulièrement l'Argentine
- ont toujours produit de grands joueurs, de véritables artistes
de la balle ronde et les 40 000 privilégiés, qui ont assité
mercredi soir au Parc des Princes à la victoire du Real Madrid sur
le Stade de Reims (4-3), en finale de la première Coupe d'Europe,
ont admiré un footballeur de cette lignée, l'un des meilleurs
que nous ayons jamais vus sur un terrain : l'Argentin Di Stefano, le footballeur
n° 1 actuel.
Des hommes comme Puskas, Kocsis, Montuori, Hanappi - pour ne citer qu'eux
- et même notre inégalable Raymond Kopa, ont certes brillé
récemment sur les stades du Continent, mais aucun n'a exhibé
un style aussi complet, une gamme de qualités plus étendue,
que le leader d'attaque du "onze" espagnol. L'Argentin joua,
en effet, un match, absolument parfait devant les poulains de Batteux,
et tint un rôle prépondérant dans le succès
de ses couleurs.
La rencontre avait pourtant débuté en coup de Trafalgar pour
les Madrilènes.
Affolée par le départ étourdissant de Reims, la défense
du Real avait concédé deux buts à Leblond et Templin,
en moins de dix minutes et les avants champenois traversaient comme des
flèches ces lignes arrières désorganisées...
Di Stefano fut le premier à rallier les énergies, à
redresser le courant.
Il savait qu'un but redonnerait confiance à ses partenaires pris
de panique et la première occasion qui s'offrit à lui se
termina dans les filets de Jacquet.
Bien servi par Marchal qui avait capté une passe de l'ailier droit
Joseito, Di Stefano "brûla" Jonquet par un démarrage
sec et ponctua sa course d'un tir soudain, remarquable de force et de précision.
Cette entrée en scène magistrale ramena le calme dans le
camp des champions d'Espagne.
L'avant centre du Real s'employa ensuite à parachever son oeuvre
de rétablissement.
Sans cesse à la pointe du combat, il se multiplia, et par ses déviations
de balle subtiles (qui trouvaient toujours son partenaire Rial, rapide
et efficace, à la récception), ses feintes et ses contre-pied,
il sema, à son tour, le trouble dans la défense de Reims.
Dès lors, il apparut que les Champenois avaient commis une erreur
en ne prévoyant pas de dispositions spéciales pour juguler
ce véritable maître à jouer.
Jonquet, en raison de la matière adoptée par son rival direct
(ses dédoublements fréquents avec Rial) ne pouvait être
partout.
Placé dans une position difficile, il se trouva souvent mis en danger
par les deux compères.
Leblond avait reçu la consigne d'aider Jonquet, mais s'il fournit
un bon match dans l'enemble il ne réussit que rarement à
contrer les mouvements de l'Argentin.
Pour maîtriser complètement ce dernier (ou tout au moins tenter
d'y parvenir) il eut fallu sacrifier totalement un équipier ; Albert
Batteux y renonça ; ce système n'entre pas dans ses conceptions
du football.
L'entraîneur du Real, Villalonga, lui, ne s'embarrassa pas des mêmes
préjugés, et confia à son demi gauche Zarraga la garde
de Raymond Kopa.
Pendant toue sa partie, Zarraga n'eut, effectivement, d'autre dessein que
d'empêcher Kopa de se manifester, et les événements
donnèrent raison au "coach" adverse, puisque l'avant centre
français fut mis complètement sous l'éteignoir.
Di Stéfano, qui domina donc la rencontre de toute sa maîtrise,
ne se comporta pas uniquement comme une vedette à part entière.
Il prouva qu'il savait s'effacer, s'intégrer à l'ensemble,
devenir un simple rouage de la machine.
Au moment où les Rémois, après avoir stoppé
Bliard ou Hidalgo, balle au pied, pour lancer de dangereuses contre-offensives.
Mieux, il dégagea une balle derrière ses arrières
exactement devant son gardien Alonso.
A la mi-temps, après l'égalisation de Rial, tout était
possible et quand Hidalgo de la tête donna l'avantage aux Rémois
à la 62 eme minute, on pensa à une victoire rémoise.
Mais Marquitos égalisa 5 minutes plus tard de la tête lui
aussi.
Ce fut Hector Rial qui porta l'estocade à la 79eme minute.
Ce même joueur allait porter les couleurs marseillaises 6 ans plus
tard mais celà fait partie d'une autre histoire.
Quand dans les dix dernières minutes, les Champenois dans l'espoir
fou d'égaliser, déclenchèrent leur ultime assaut,
le numéro 9 des "blancs" oui, ce numéro 9 qui apparaissait
partout sur le terrain, comme s'il aimantait le ballon se mit à
dribbler pour gagner du temps et permettre à ses camardes de récupérer
dans l'attente du coup de sifflet libérateur de M. Ellis.
Le trésorier du Real de Madrid, M. Saporta qui s'apprête à
verser 70 millions pour l'acquisition de Kopa en a payé près
de 100, il y a déjà quatre ans, pour obtenir la signature
de Di Stefano au bas d'un contrat.
Le joueur le plus cher du monde a justifié sa réputation
et son prix devant la foule du Parc, et on comprend pourquoi!!!
Le Real, comme un symbole, a remporté la première Coupe d'Europe."
Bien plus tard, en 2002, un autre extra-terrestre offrit au grand club
madrilène le même trophée.
Un Marseillais, un certain Zinedine Zidane dont la volée illumina
le ciel de Glasgow.
Zizou rejoignit le grand Alfredo dans la légende.
Quand à Raymond Kopa, il rejoindra le Real après la finale et gagnera trois
fois le trophée, dont un en 1959 contre Reims.