La "papinade" ? Un terme que j'ai eu le bonheur d'inventer et qui connut sa petite heure de gloire avant de tomber dans l'oubli, comme bien des néologismes.
En match officiel, le premier "prototype" fut réalisé juste avant
Noël en 1986 face au Racing de Paris (2-0), sous l'oeil de Franz Beckenbauer,
sélectionneur allemand venu juger de l'état de forme de Karl-Heinz Förster.
Une longue transversale distillée depuis la gauche par Jean-Louis Zanon,
une reprise foudroyante en pleine lucarne de "JPP" excentré sur
la droite et hors de la surface de réparation. Le gardien parisien, Pascal
Olmeta, médusé, n'eut plus qu'à applaudir dans ses gants ce geste inouï,
invraisemblable, qui, en bonne logique, n'aurait pas dû être tenté.
C'est la définition que, personnellement, je donne de la "papinade"
: une reprise de volée spectaculaire, parfaite, mais déclenchée hors de
toute raison.
Jacques Thibert, alors rédacteur en chef de France Football, y consacra
quelques lignes joliment tournées au détour d'un édito flamboyant parlant
d'un Fance-Espagne (3-1 en 1991) au cours duquel JPP avait impressionné
l'Europe : "La "Papinade" ne s'explique pas, ne se programme
pas, ne s'enseigne pas. Elle tient au bonhomme, à ses neurones, à cette
étonnante relation affective avec le ballon qui permet au joueur de jauger,
tel un ordinateur, la trajectoire, la vitesse, le "poids" de
l'objet, et de traduire instantanément l'angle de frappe et le dosage de
celle-ci. Dans une papinade, il y a de la magie, de l'irréel, mais surtout une somme
de travail d'acquis, d'observation se surajoutant à un physique détonant
et à un mental de granit.
Pour en revenir à note première papinade, le Racing, ce soir-là, alignait du beau monde avec Philippe Thys, Maxime Bossis, Bruno Germain, Luis Fernandez, Ruben Umpierrez, Enzo Francescoli et Pierre Littbarski. Mais le match fut médiocre et l'OM si emprunté, jusqu'à ce geste de génie, que j'avais intitulé mon article : "Un Papin de Noël et des petits souliers" Pas question encore de "papinade". C'est seulement la répétition de ce geste magique, seize mois plus tard
(OM-Niort 1-0 le 6 mai 1988) qui ferait jaillir l'expression sous ma plume.
Sans que je puisse expliquer pourquoi. C'était sorti, spontanément, de
manière aussi impromptue que le geste lui-même.
Il se trouve que, Papin prenant soudain une toute autre dimension, l'expression
fit fortune. Et les papinades commencèrent à s'accumuler dan les filets
adverses, au point de devenir une sorte d'image de marque du futur ballon
d'Or France Football 1991.
Alain Pécheral
Marseille 2-0 Matra Racing, 17 décembre 1986
Un beau cadeau de Noël. Pour sa première saison à l'Olympique de Marseille, Jean-Pierre Papin enfile déjà les buts. Mais c'est le 17 décembre qu'il livre son premier chef-d'œuvre. Dans un match un peu fade, Jean-Louis Zanon tape une longue transversale en direction de Papin. L'attaquant marseillais reprend de volée et expédie la balle dans la lucarne opposée. Pascal Olmeta, surpris, n'esquisse pas le moindre geste. Ah si, il applaudit.
Marseille 1-0 Niort, 6 mai 1988
La Papinade ne s’explique pas, ne se programme pas, ne s’enseigne pas. Elle tient au bonhomme, à ses neurones, à cette étonnante relation affective avec le ballon qui permet au joueur de jauger, tel un ordinateur, la trajectoire, la vitesse, le "poids" de l’objet, et de traduire instantanément l’angle de frappe et le dosage de celle-ci.?» Alain Pécheral, journaliste à La Provence vient d'utiliser pour la première fois le terme de Papinade, en extase devant un but sublime de JPP contre Niort.
Union Luxembourg 0-5 Marseille, 18 septembre 1991
Ce n'est pas le plus glorieux, mais il a eu le mérite de faire profiter le peuple luxembourgeois des talents d'artificier de JPP. Pour son match aller de premier tour de la Ligue des champions, l'OM se rend sur la pelouse d'Union Luxembourg. Et y assure sa qualification avec un 5-0 propre. Pour profiter de la fête, Papin s'offre une reprise de volée du droit depuis l'extérieur de la surface de réparation. La praline finit sa course en lucarne, le gardien n'a même pas esquissé un geste. Tout comme les défenseurs, qui ont laissé trois bons mètres au buteur marseillais, totalement esseulé et donc en mesure de réaliser le geste parfait. On est en époque pré-internet, les joueurs de l'Union connaissent visiblement mal leur adversaire. L'OM valide son passage au second tour après une victoire 3-0 à la maison, mais ne verra pas la phase de poules à cause du Sparta Prague. Qui avait visiblement une défense plus rigoureuse.
Marseille 3-0 Brøndby,13 septembre 1989
Le propre des grands buteurs, c'est de s'offrir le scalp des grands gardiens.
En début de saison 1989, Papin ne le sait pas encore, mais il vient de
crucifier une future légende du poste. Peter Schmeichel est alors dans
les bois du club danois qui tient une mi-temps face à l'OM.
Marseille 3-0 Brøndby,13 septembre 1989, suite....
Au retour des vestiaires, Chris Waddle fait sauter le verrou, puis voit
l'un de ses centres mal négocié par la défense danoise. Dans son style
qui deviendra légendaire, Papin exploite le ballon qui traîne à mi-hauteur.
Reprise acrobatique du droit qui meurt dans le petit filet et gardien qui
reste immobile. Tellement évident.
France 3-1 Espagne, 20 février 1991
Le mec est tout simplement capable de marquer dans toutes les positions. Dans un match comptant pour les éliminatoires de l'Euro 1992, Papin marque le but ultra important du 2-1 contre l'Espagne. Le centre de Manuel Amoros est légèrement dévié. Mais JPP ne compte pas changer de plan. Même si la balle est légèrement derrière lui, il reprend le ballon de volée. Un mélange de reprise de volée et de retourné acrobatique.
France 2-1 Tchécoslovaquie, 4 septembre 1991
Pas la plus spectaculaire, mais certainement la plus difficile à réaliser. Sur un très long et très haut ballon venu de la gauche, JPP ne quitte pas la balle des yeux. Il semble avancer et reculer en même temps. En fait, il recule vers le but, et attend la balle de pied ferme, prêt à la boxer de volée. En plein mouvement, il l'envoie dans le petit filet opposé. Une coordination et une analyse de la trajectoire proches de la perfection.
France 3-3 Belgique, 25 mars 1992
Menée 3-2 en match amical par les Belges, l’équipe de France se repose encore et toujours sur son attaquant vedette, déjà buteur sur penalty en première période. À la 85e, sur un centre venu de la droite, comme d'habitude, Papin ne se pose pas de question. Il pose la main gauche au sol, et balance un retourné acrobatique. Le ballon part à une vitesse folle et casse la cage.