On a fêté la journée
internationale des droits des femmes, au stade Vélodrome, dimanche,
lors du match de l’Olympique de Marseille contre Strasbourg. Avec
Anissa, supportrice de l’OM, et ses copines, membres des South
Winners.
Marseille. Parc Chanot, un
soir de Saint-Valentin. J’ai rendez-vous avec Anissa. Avant de me
faufiler dans la pénombre, par une porte dérobée, dans le hall 6,
je ne connais pas son prénom.
Je sais juste que les
filles des South Winners sont là pour dessiner, peindre et coudre
une tenue de soirée... Celle qui habillera le haut du virage sud du
stade Vélodrome, dimanche 12 mars, contre Strasbourg.
Avant cette rencontre
haute couture, il faut montrer basket blanche à Rachid, le
charismatique boss du groupe de supporters.
Djamel, son neveu, le
numéro 2 dans la hiérarchie Winners, me conduit à lui. On sent
vite que le sujet lui tient à cœur. Malgré son air détaché. Son
œil aiguisé scrute le travail des « traceurs » du
monumental tifo d’OM – PSG qui se prépare lui aussi.
En vieux lynx, il suit
trait à trait la Major qui se dessine sous les bombes… de peinture
noire.
« C’est normal
qu’on leur rende hommage. On a tous des mères, des sœurs et des
filles. »
Sans prévenir, de sa voix
de capo, forte, claire et bienveillante, il va droit au but :
« Ce tifo, en hommage aux femmes, ce
sera une première. Ce sont les filles du groupe qui l’ont proposé.
C’est normal qu’on leur rende hommage. On a tous des mères, des
sœurs et des filles. »
Merci Rachid. Rien à
ajouter. La date du match pour cet événement a été choisie proche
de celle de la Journée internationale des droits des femmes, qui est
le 8 mars.
C’est quatre jours plus
tard, un dimanche soir, à 20 h 45, en prime dans un Vélodrome plein
comme un oeuf, qu’Anissa et ses copines vont hisser haut leur
fierté d’être supportrice de l’OM. Fan et femme de foot.
« La place des
femmes est aussi au stade »
« Notre message,
avec ce tifo, sera de dire que la place des femmes – des grandes et
des petites – est aussi au stade », se
réjouit Anissa.
Avant cela, il a fallu
convaincre Rachid avec qui le projet a été évoqué lors des 35 ans
des Winners, en mai 2022.
« J’ai fait du
lobbying pendant plusieurs mois et il a dit oui à notre projet en
novembre. Oui à condition que l’on s’occupe de tout de la
conception au déploiement », raconte,
radieuse Anissa, près de la grande tablée installée près de
l’entrée du hall 6. Ses copines roulent dans la bonne humeur avec
les garçons du groupe.
Rouler consiste à faire
40 000 rouleaux de grandes feuilles de papier bleues et
blanches. Insérés dans les fauteuils des tribunes du Vélodrome,
les rouleaux seront déployés par les spectateurs pour accueillir
les joueurs de l’OM avant le coup d’envoi du Clasico.
Un vrai travail de petites
mains, jour et nuit, pendant une semaine dans un hangar au fond de
l’air très frais. Peu importe, on se raconte des histoires
olympiennes pour se réchauffer. Certains fument. D’autres
partagent leur repas. Un moment de convivialité auquel les filles du
groupe, en bout de table, ne sont pas étrangères.
Mesdames, il est 23 h :
on trace !
La boucle est bouclée.
Rachid a raison. Il a toujours raison et pris la bonne décision. Il
est d’ailleurs plus de 23 h, ce 14 février, quand il décide qu’il
est l’heure de tracer ! Mesdames à vous de jouer. Jusqu’à
2 h du matin !
Avant le défilé, il faut
sortir le patron version numérique. Les filles ont créé un groupe
WhatsApp pour imaginer leur motif. « On
voulait aussi que ce soit beau et artistique »,
souligne Anissa, 30 ans, qui travaille comme juriste au tribunal de
Marseille. L’habit ne fait pas le moine. Le sweat orange des
Winners non plus.
Un imprimé secret
Ici, on ne fait pas dans
la dentelle, mais dans le géotextile. Résistant, facile à
manipuler, et disponible en taille XXXXXXXXXL ! Les filles - une
dizaine très active dans ce projet - dégoupillent les bombes à
leur tour.
On ne vous dévoilera pas
l’imprimé de cet habit de fête pour ménager la surprise.
Question de respect et de confiance.
Le lendemain, il faut
peindre, en chaussettes, sans claquettes ni baskets, le tifo assemblé
par Géraldine, la couturière du groupe. Sa machine, perdue dans un
coin de cet atelier improvisé, en a passé des bobines de fil pour
assembler ses levers de rideaux de Ligue 1 ou de Coupe d’Europe.
Une autre histoire. Une
histoire de filles. De patience. De passion.
Dimanche, 20 h 45, c’est
l’heure du défilé. La robe du soir (un tee-shirt orange Winners
floqué du bouledogue, emblème des Winners) accrochée à un filet,
est portée aux nues. Hissée haut devant 63 380 personnes. Eblouies.
Bravo Mesdames !
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