La rencontre Marseille-Quevilly fut une des bonnes finales de Coupe de
France figurant au palmarès de l’épreuve nationale du ballon rond.
Elle n’a pas ôté de la mémoire les fameux duels Red Star-Olympique et Marseille-Cette,
elle ne les a pas fait regretter non plus.
C’est assez dire que l’intérêt du match entre les Méridionnaux et les normands
fut considérable et que l’action mouvementée plut tant aux profanes qu’aux
spectateurs avertis des choses du football.La partie fut un choc entre
l’élan spontané et la course réfléchie, entre l’impulsion et le jeu organisé,
entre la bonne volonté pure et simple et la qualité.
Pendant les premières minutes, Quevilly déploya sa méthode habituelle de
jeu ardent, omniprésent, constamment transformé, rectifié, amélioré. L’Olympique
de Marseille, surpris par les coups de boutoir incessants de son adversaire,
fut quelque peu désorienté et dominé. Il ne perdit pas pied, mais il tarda
à se mettre en action positive, à prendre la mesure de son rival et à commencer
l’édification de son football constructif.
Si Quevilly, par l’intermédiaire de son aile gauche Déans-Guillard, faillit
d’un rien marquer deux fois des buts sur coup de tête,il méritait amplement
un tel avantage, et la réussite de pareils essais auraient maintenu le
match à un niveau qu’il n’atteignit plus par la suite.
Toute l’équipe quevillaise donnait alors à plein. Les arrières Farret et
surtout Demeilliez brisaient net toute offensive marseillaise et réapprovisionnaient
constamment leurs avants en ballons fort utiles.Les demis soutenaient de
très près leur attaque. Bonnardel, qui subit une terrible éclipse en seconde
mi-temps, faisait feu des quatre fers et accentuait la pression de ses
attaquants sur le but gardé par Allé.Quevilly ayant manqué d’un rien l’acquisition
d’un avantage très précieux l’Olympique de Marseille évita le désarroi
et la panique pour reprendre, petit à petit, le contrôle des opérations.
Il aurait peut-être senti passer le vent de la défaite si Quevilly avait
maintenu sa poussée.
Malheureusement l’équipe de Bonnardel ne tint pas- elle ne pouvait pas
tenir -pendant une heure et demie de jeu à une allure aussi endiablée.
Elle se mit à baisser de pied, surtout en défense.Celle-ci cédant du terrain
et Bonnardel étant submergé par sa rude besogne de demi-centre, l’Olympique
s’organisa, bâtit des offensives, se montra sous son vrai jour et monta
à l’assaut du camp de son rival. Une erreur de Bonnardel, empêtré avec
le ballon, donna à Durand l’occasion de marquer un premier but, d’un rapide
shot du gauche. Un mauvais arrêt de Walter sur un « botté » de
Devaquez permit à Gallay d’inscrire un deuxième point à l’actif des Provençaux.
Les 25.0000 spectateurs, tous portés à épouser la cause du plus faible
contre le plus fort, sentirent que l’instant était critique pour Quevilly.
Généreusement, sportivement, ils encouragèrent les Normands les stimulèrent
par des cris des applaudissements, cependant que toute action irrégulière
ou même banale des Marseillais était sévèrement critiquée, soulignée, sifflée.Malheureusement,
l’allure du jeu avait été si rapide, la qualité du football si élevée et
le soleil se montrait si implacable, que les Normands ne purent pas réagit.
Bonnardel fut le plus sévèrement atteint.
Opposé, à la redoutable triplette Durand-Boyer-Crut, il passa continuellement
au travers et, comme il avait manifestement donné à ses deux partenaires,
Hecquet et Groult, l’ordre de ne pas lâcher d’une semelle Gallay et Devaquez,
il n’eut jamais le loisir de se reposer sur ses coéquipiers et de reprendre
son souffle.
Les deux buts ayant été acquis avant la mi-temps, l’Olympique de Marseille,
sûr de sa supériorité et justement confiant en une victoire décisive, s’appliqua
à fournir du beau football. Peu inquiet des attaques de Quevilly, que l’arrière
Schnoeck, qui fut le roi du terrain, balaya avec aisance et un à-propos
superbe, l’équipe marseillaise s’évertua à se montrer digne de son titre
de première équipe française.
Devaquez fut un peu sacrifié dans la démonstration ;
l’actif et même parfois trop bouillant et trépidant Durand, l’athlétique
Boyer haut en détente et court dans ses dribbles
Crut, au shot incomparable ; Gallay, rapide adroit et excellent dans
ses centres, ravirent l’œil des spectateurs. Leur beau jeu consola la foule
déçue de voir Quevilly définitivement surclassé par son redoutable adversaire.
Répétons que Schnoeck fut le meilleur homme sur le terrain. Il fut le rempart
de la défense marseillaise. Bien placé, aussi décidé sur l’homme que sur
le ballon, puissant dans ses arrêts et ses dégagements, clairvoyant dans
ses passes, le bel athlète blond fournit une partie digne de tous éloges.
Dès que l’ancien légionnaire sera naturalisé Français, quelle belle recrue
il fera pour l’équipe de France, à côté de Wallet !
Marseille ne marqua qu’un seul but, tout à fait vers la fin du match, contre
les Quevillais, pas l’intermédiaire de Devaquez. Il aurait pu en obtenir
d’autres, s’il s’était plus soucié de l’accumulation des points que de
la facture du jeu. On ne saurait le blâmer d’avoir préféré la qualité au
nombre.
Demeilliez qui est à Quevilly ce que Schnoeck est à Marseille, se montra
également très brillant. Seules, la taille et l’habitude des grands matches
ont permis à Schnock d’éclipser son rival de l’équipe adverse.
Après ces deux joueurs, il faut citer, sur un même plan, chez les Marseillais,
Gallay,Devaquez, qui pourtant, fut peu utilisé, Boyer, Crut, Durand, Drubec,
Cabassu, Allé. Vous voyez que les noms de joueurs sont nombreux. La preuve
est ainsi faite que Marseille se comporta très honorablement. A Quevilly,
l’aile gauche Déans-Guillard fut, avec Demeillez, un légitime sujet de
fierté pour les supporters normands.