13 Mars 1949 Stade Vélodrome
l'OM bat Lille 2 à 1 (2 - 0)
Arbitre Mr Le Fos 40624 spectateurs
BUT ROBIN (5' et 15') WALTER (78')
OM LIBERATI, DAHAN, RODRIGUEZ, SALEM, BASTIEN,
PUJALTE, BOLLANO, ROBIN, BIHEL, NAGY, PIRONTI,
Entraineur ZILIZZI
LILLE OSC GERMAIN, JADREJAK, PREVOT, NUEVO,
DUBREUCQ, SOMMERLINCK, VANDOOREN, TEMPOWSKI,
BARATTE, CARRE, WALTER Entraineur CHEUVA
Nous avons déjà vu du sensationnel au stade-vélédrome
de Marseille. Le spectacle qui nous y fut
présenté, dimanche, dépassa, en intensité,
tout ce qui nous y avait été précédemment
offert.
Une heure avant le coup d'envoi, l'arène
sportive marseillaise faisait penser à quelque
composition de Dubout ; non seulement toutes
ces enceintes "normales" étaient
archicombles, mais encore de nouvelles vagues
de foule débouchaient de partout ; on avait
brisé des vitres, enfoncé des portes ; l'entrée
des coureurs cyclistes, sous les tribunes
Ganay, vomissait littéralement une marée
humaine venant on ne sait d'où et qui, ne
sachant où se caser, déferlait le long des
lignes de touche et de but.
Refoulée par le service d'ordre sur la piste
rose, elle n'y était pas depuis trente secondes
qu'on la voyait à nouveau descendre en avalanche
vers les limites du champ de jeu. Curieux
flux et reflux immense et inquétant
Jamais, disait-on, dans la tribune de presse,
le match ne pourra se jouer dans de telles
conditions".
On apprenait que l'équipe lilloise avait
stationné une demi-heure à l'entrée avant
de pouvoir accéder aux vestiaires. Des coups
sourds étaient frappés contre les portes
de fer, sous les tribunes. On se serait cru
en plein révolution.
Le haut-parleur invitait tout le monde au
calme et précisait que si le public ne se
retirait pas à distance respectable du terain,
le match ne pourrait avoir lieu ; mais il
y avait longtemps que personne n'entendait
plus rien !
40.264 spectateurs payant avaient été contrôlés
qui avaient laisé aux guichets une recette
de 6.476.000 francs et des poussières.
Les spectateurs sans billets eux, n'avaient
pu être dénombrés. Combien étaient-ils, "
Près de 50.000 personnes étaient cet après-midi
au stade" disaient les journaux marseillais
du dimanche soir. Comme ils n'étaient pas
tellement au -dessous de la vérité, calculez
!
Marseille fut, dimanche, la ville des miracles.
Premier miracle ; faire entrer près de 50.000
personnes dans ce stade dont la capacité
est de 39.000 spectateurs bien tassés.
Second miracle : entre le moment où les deux
équipes pénétraient sur le terrain et celui
où une heure trois quarts plus tard, elles
rentraient aux vestiaires, pas le moindre
soupçon d'incident. Tous le monde demeura
sagement à sa place (ou plutôt à sa demi-place
ou à son quart de place !) et l'enthousiasme
populaire ne déborda que... vocalement.
Le public marseillais, grossi par d'importants
affluents des départements environnants,
fut d'une correction exemplaire et mérite
un gros bravo !
Tout de même, on ne peut s'empêcher de songer
à ce qui se fût produit si, pour une raison
ou pour une autre, ce même public avait eu
à manifester son mécontentement..."
Poussons un soupir de soulagement, mais disons-nous
tout de même que, dimanche, à Marseille,
on a un tantinet joué avec le feu.
Spectacle extraordinaire d'intensité donc
autour du terrain, spectacle haut en couleurs
sous le grand soleil de l'avant-printemps
méridional.
Sur le champ de jeu, spectacle d'excellente
tenue, passionnant, à l'extrême jusqu'aux
dernières minutes de jeu, et, ce qui ne gâte
rien, correct, tout au moins dans sa majeure
partie : à peine y eut-il quelque énervement
et légères peccadilles en fin de match.
Des équipes de Marseille et de Lille, on
peut dire qu'elles honoraient, dimanche,
le football français.
Chez l'OM l'équipe de la première demi-heure
de jeu on pratiqua un football vif, alerte,
brillant, enlevé à cadence accélérée, sensiblement
supérieur à celui auquel elle avait habitué
son public.
Son intérieur gauche Robin, bien secondé
par Bihel et Nagy, fut le grand homme de
ce début de match, emmenant son attaque tambour
battant, marquant de la tête dans le premier
quart d'heure deux buts irrésistibles.
Lille, cueilli à froid, un moment ébranlé
par ces deux réussites de Robin, éprouva
quelque dificulté à se remettre de ce knock-down.
Il y parvint cependant à la longue et son
équipe, lorsqu'elle eut rétabli un équilibre
compromis au départ, démontra aux spectateurs
méridonaux que son standing n'était point
usurpé.
Devant l'OM, le plus souvent replié en défense
et dont la belle ordonnance et l'esprit du
début s'étaient par là-même effrités, l'équipe
lilloise solide, homogène bonne technicienne,
au rythme régulier comme celui d'une belle
mécanique, donna un aperçu de ses possibilités.
Mais... un aperçu seulement, car ses attaquants
n'étaient, pas dans un jour d'euphorie et
s'attardaient par trop aux bagatelles de
la porte. Autrement dit, ils terminaient
moins bien ce qu'ils avaient fort bien commencé.
A leur décharge, il faut d'ailleurs préciser
que la défense marseillaise -spécialement
Liberati et Rodriguez - fut en deuxième mi-temps
aussi efficace et décidée que l'attaque avait
été brillante en première.
Devant cette défense bien groupée, luttant
obstinément pour la sauvegarde de son succès,
il eût fallu une attaque lilloise aussi réaliste
qu'elle l'avait été une semaine plus tôt
devant Montpellier. Or, elle se contenta
de faire trembler la défense marseillaise
et seul des cinq avants, Walter -qui n'en
fut d'ailleurs pas le plus brillant - parvint
à marquer, à la 78e minute.
"C'est le plus beau match que nous avons
vu ici depuis longtemps", disait-on,
dimanche soir à Marseille. Et l'on ajoutait
: "Lille a toujours une bien belle équipe
!"
Mais seul le résultat compte.
Pour Marseille ce fut, dimanche l'essentiel.