Le 7 mars 1973, deux cent millions de personnes ont avalé leur dîner comme
on expédie une affaire courante.
Aucune d'elles n'a envie de manquer une seule seconde de la finale européenne
avant la lettre Ajex-Bayern.
Certes, l'affrontement a lieu en deux manches, la première à Amsterdam,
la seconde quinze jours plus tard à Muncih.
Mais il est impossible se disent ces deux cent millions de passionnés,
que rien ne jaillisse des pieds de Cruyff, Keizer, Beckenbauer, Muller
et consorts.
On craint cependant une féroce guerre tactique.
Les deux adversaires, en effet, ne sont pas rassurés.
Ils savent bien qu'il y aura un vaincu et que celui-ci perdra à la fois
la bataille et la guerre... pour une année.
Le Bayern va jouer avec Gerd Muller handicapé par une blessure à la jambe
dont on apprendra quelques jours plus tard, à la suite d'une radio de contrôle
qu'il s'agit d'une fissure du péroné.
Ajax a la chance de posséder en Stefan Kovacs un remarquable tacticien.
L'entraîneur roumain se souvient qu'au cours d'un match amical l'été précédent,
son équipe a battu le Bayern 5-0 et que Schwarzenbeck marquait Johann Cruyff.
Le joueur allemand a déjà déclaré qu'il ne voulait pas prendre en charge
le terrible numéro 14 hollandais.
"L'ange gardien de Johann s'appellera donc Breitner ou Roth, conclut
Kovacs à l'intention de ses joueurs. C'est une bonne chose pour nous dans
l'un ou l'autre cas".
Breitner est l'homme à tout faire du Bayern : s'il s'attache à neutralier
Cruyff, il rendra moins de services à son équipe.
Roth à 31 ans, il sera incapable de suivre jusqu'au bout les allées et
venues de Johann. Alors, voilà ce que nous allons faire."
Quand la balle est aux Allemands, Cruyff doit suivre la recommandation
de Kovacs et dresser un premier obstacle sur la route de Beckenbauer.
Si celui-ci passe, Neeskens s'approche : puis éventuellement Schilcher
et Blankenburg.
Les quatre chicanes sont placées sur l'axe que le beau Franz a l'habitude
d'emprunter.
Quand la balle est aux Hollandais, Cruyff doit en position d'attaque se
rapprocher de Beckenbauer afin de fixer en même temps son garde du corps
(Breitner ou Roth) et le capitaine munichois.
Enfin, quand le jeu emporte des demis, Haan, Neeskens et Gerrit Munhren
vert le but adverse, Cruyff a la consigne de rester prudent et d'adopter
une position de retrait.
Kovacs demande également à chacun de ses joueurs de "prendre en charge"
un adversaire bien défini, sans pour cela le suivre systématiquement dans
ses permutations.
"Vous devez rester ensemble et les obliger à faire leurs permutations
devant vous et non au milieu de vous".
Ce beau "schéma directeur" générateur de grandes victoires n'eût
peut-être rien donné si les impondérables de ce diable de ballon rond n'étaient
venus tout bousculer.
Pendant une mi-temps, et notamment duant la première demi-heure, Ajax tremble
devant un adversaire bien organisé, lucide et entreprenant.
Non seulement le Bayern résite avec aisance aux tentatives hollandaises,
mais encore il mène des offensives vives et tranchantes qui plongent dans
d'embarras la défense d'Ajax. Le souvenir de cette période difficile restera
si vivace dans l'esprit des joueurs hollandais qu'il combattra longtemps
encore après la rencontre (4-0) la joie du triomphe.
Spectateurs et téléspectateurs ne s'y trompent pas. Ils assistent en deuxième
mi-temps à une mis à mort occasionnelle provoquée à la fois par l'efficacité
maximum d'un Ajax en grande réussite et par les erreurs inattendues du
gardien allemand Sepp Maier.
Maier, portier de la sélection allemande championne d'Europe des Nations,
est un très grand joueur.
Mais il est parfois trahi par ses nerfs ou une sortie hasardeuse. Sur les
quatre buts qu'il encaisse au désespoir de Beckenbauer, deux au moins lui
sont imputables. Haan (53e minute), Muhren (67e) Haan encore (69e) exécutent
la danse du scalp.
Une minute avant la fin, Cruyff en personne accroche la dépouille à sa
ceinture.
Ajax remporte ainsi l'une de ses plus formidables victoires. Celle-ci lui
ouvre la route de la finale car on voit mal quel adversaire peut le mettre
à la raison.
Et on s'interroge sur la nette supériorité des joueurs hollandais dans
le domaine athlétique.
Pourquoi courent-ils plus vite et sautent-ils plus haut que leurs rivaux
? Louis Nucera propose cette formule de Napoléon à propos du football total
d'Ajax : "L'art de la guerre est de disposer ses troupes de manière
qu'elles soient partout à la fois."
L'Ajax allait remporter sa 3eme Coupe d'Europe en battant en finale la
Juventus.
Cruyff, parti au Barca, les Pays-Bas vont être la continuité de l'Ajax
à la Coupe du Monde 1974
But de Johan Cruyff
Johan Cruyff retrouvera Franz Beckenbauer en 1974 à Munich mais l'orchestre Orange sera battu 2 à 1 par une réaliste Allemagne en
Finale de la Coupe du Monde, le but vainqueur étant inscrit par Gerd Muller,un
des plus grands cannoniers de tout les temps.
Mais Johan Cruyff et les Hollandais auront illuminé la compétition avec
leur Football total.
Johan Cruyff nous a quitté ce funeste jeudi, il aura marqué son époque,
même s'il lui manque un sacre de Champion du Monde.